Article de Louis Raymond, Revue Place Publique #83 été 2022, Signes des temps p87.
Le Collectionneur ludique, compulsif et un peu vieillot : le nom plein d’auto dérision de la nouvelle galerie qui a ouvert dans le centre ville de Saint Nazaire fin 2021. Au printemps dernier, Philippe des Pallières et Caroline Ottavis, les fondateurs, ont présenté une exposition collective “Printemps nazairiens”, sélection d’œuvres d’artistes qui ont partie liée à la ville des Chantiers de l’atlantique. La troisième pour cette galerie qui ambitionne d’animer la vie culturelle nazairienne.
Dans le plan rectiligne du centre ville de Saint Nazaire, l’avenue de la république occupe une place centrale. On y flâne, on s’y rencontre, on s’y attarde et on y joue, comme ces bambins qui escaladent le Dragon des mers, installation ludique d’une trentaine de mètres en plein milieu de l’espace piéton.
Juste en face, là où il y avait autrefois un magasin de vêtements, se tient une enseigne au nom surprenant, Le Collectionneur ludique, compulsif et un peu vieillot. Un antiquaire ? Un bric à brac ? Non, une galerie d’art et un cabinet de curiosités, mais sans doute l’auto-dérision du nom encourage-t-elle les badauds à passer la porte pour voir ce qui se trame à l’intérieur.
La première “chose” sur laquelle je tombe une fois entré, ce sont des sculptures dont la forme est à mi chemin entre le pion d’échecs et une tête : le cou est trop haut, trop large, l’ovale est plus proche de la forme d’une olive que d’un visage humain. et pour cause ce ne sont pas des formes humaines, mais des supports de masques que la plasticienne Claire Rigaud façonne dans le grès noir et qu’elle appelle Persona. Si, dans son autre pratique professionnelle, l’artiste crée des masques pour des compagnies de spectacles vivants, elle suggère ici une réflexion sur ce que ceux-ci dissimulent. Une sculpture prend la forme angoissante de cercles concentriques qui se superposent en formant un cône, une autre laisse apparaître un visage à la même expression que certaines statues de saints dans les églises, une autre encore est un éclatement, une dernière, enfin, une déchirure. L’exposition commence bien : je trouve beaucoup d’originalité dans cette manière qu’elle a de “retourner” son métier dans son art, ainsi que dans la beauté dans sa façon de rappeler une idée pourtant ô combien évidente : nous sommes ce qu’il y a sous le masque, et peut-être même, ce que nous voulons cacher.